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LA PASSION. QUEL MODÈLE DE MANAGEMENT POUR 2030 ?

Nous poursuivons notre voyage entamé en août pour mettre en place dans nos entreprises « ce qui compte vraiment ». *

Après « les Valeurs » en août et « l’Innovation » en septembre, l’Adaptabilité en octobre nous abordons notre avant dernière étape en novembre avec la Passion.

Quelques managers ont encore le réflexe d’étouffer l’enthousiasme de leurs collaborateurs plutôt que celui d’en attiser les flammes ?

Ils acceptent souvent sans colère que leurs systèmes de management aient plus de chances de contrecarrer un exploit que de le faciliter ?

Comment expliquer cette apparente indifférence ?

1- L’ignorance que la plupart de leurs collaborateurs ne prennent pas véritablement leur travail à cœur.

2- L’indifférence bien qu’ils sachent que de nombreux salariés meurent d’ennui au travail, mais ils n’y attachent pas suffisamment d’importance, soit que la culture d’entreprise les ait vidés d’empathie, soit parce qu’ils estiment que cela n’entraîne aucun impact

3- L’impuissance, ils apprécient peut-être à sa juste valeur l’implication du personnel mais ils ne voient pas ce qu’elle pourrait faire pour améliorer la situation.

Et pourtant :

  1. Le cynisme et la passivité sont endémiques dans les entreprises.
  2. L’implication du personnel et la réussite financière sont intimement liées.

Dans un monde où les clients se réveillent tous les matins en se demandant ce qu’il y a de nouveau aujourd’hui, de différent, d’étonnant, la réussite dépend de la capacité à laisser libre cours à :

  • L’initiative,
  • L’imagination
  • La passion de chacun des membres de l’entreprise.

Cela ne peut se produire que si toutes ces personnes se dévouent cœur et âme à leur travail, à leur entreprise et à leur mission.

Avant de poursuivre regardons la hiérarchie des capacités humaines au travail :

  • Niveau 6 la passion
  • Niveau 5 la créativité
  • Niveau 4 l’initiative
  • Niveau 3 l’expertise
  • Niveau 2 la diligence
  • Niveau 1 l’obéissance

 

  • L’obéissance : celle de salariés qui pointent tous les matins et appliquent docilement toutes les directives et procédures, sans elles impossible de fonctionner.
  • La diligence : les salariés qui travaillent avec acharnement se sentent personnellement responsables de délivrer de bons résultats.Ce facteur lui aussi, est d’une importance critique.
  • L’intelligence ou les compétences : toutes les entreprises veulent avoir des collaborateurs remarquablement compétents, bien formés et désireux d’apprendre.

L’ennui, c’est que l’obéissance, la diligence et la compétence sont devenues des denrées banalisées, qui s’achètent et se vendent sur les marchés mondiaux, où elles ne coûtent presque rien avec des travailleurs bien formés. Ce fait perdurera même à l’heure de la relocalisation de certaines productions dites stratégiques.

Il faut donc monter plus haut sur la pyramide des capacités humaines.

L’initiative : des collaborateurs qui se précipitent pour agir chaque fois qu’ils repèrent un problème ou une opportunité, qui n’attendent pas qu’on leur dise ce qu’ils ont à faire, qui ne s ’enferment pas dans leur description de poste et qui, d’instinct, se montrent proactifs.

La créativité : des collaborateurs qui en sont dotés ne demandent qu’à battre en brèche les idées reçues et sont toujours à l’affût d’idées géniales que l’on pourrait emprunter à d’autres secteurs d’activité.

La qualité suprême, la passion : ce qui caractérise les collaborateurs qui considèrent leur travail comme une vocation, une manière de faire une différence positive dans le monde.

Pour ces âmes ardentes, la frontière entre vocation et plaisir est, au mieux floue.

Ils se donnent entièrement à leur travail.

Comment susciter cette passion ?

Le postulat que l’entreprise passe en premier, l’homme en second est faux.

Au lieu de vous demander comment faire en sorte que les salariés servent mieux l’entreprise, demandez-vous : « comment construire des entreprises qui méritent le cadeau extraordinaire que leurs collaborateurs pourraient apporter au travail ? ».

La tâche la plus importante des managers d’aujourd’hui est de créer un environnement de travail susceptible d’inspirer une contribution exceptionnelle, qui mérite que l’on y déverse des flots de passion, d’imagination et d’initiative.

Pour cela la modification de vos objectifs pour passer de « gérer » à « libérer » est fondamentale.

Mais comment faire s’impliquer les gens si leur travail n’a rien d’engageant ?

Le 2ème postulat que beaucoup d’emplois ont peu d’intérêt est également faux.

86 % des salariés déclarent qu’ils adorent ou aiment bien leur travail.

Je l’ai récemment vérifié dans un abattoir de volailles et aussi étonnant que cela puisse paraitre les collaboratrices avec qui j’échangeais aimaient leur travail.

Dans ces conditions, pourquoi les collaborateurs s’impliquent-ils si peu ?

3 points sont critiques :

  1. La latitude d’apprendre et de progresser, leur offre-t-on des opportunités de carrière ?
  2. La réputation de l’entreprise et son propre engagement à faire une différence dans le monde, a-t-elle une vision et une mission justifiant un effort extraordinaire ?
  3. Les comportements et les valeurs des dirigeants les gens leur font-ils confiance, ont-ils envie de les suivre ?

Toutes ces questions relèvent du MANAGEMENT et seulement :

  • 38 % des salariés croient que la direction générale s’intéresse sincèrement au bien-être du personnel
  • Moins de quatre sur dix souscrivent à l’affirmation que :la direction communique ouvertement et honnêtement
  • 40 % croient que la direction communique les raisons des décisions stratégiques
  • 44% qu’elle tente d’être visible et accessible
  • Le pire, c’est que : moins de 50 % des personnes interrogées croient que les décisions de la Direction correspondent à leurs propres valeurs

Si nous voulons améliorer l’implication du personnel, il faut commencer par admettre que si les salariés ne sont pas aussi enthousiastes, passionnés et animés du feu sacré qu’on pourrait l’espérer, ce n’est pas parce que leur travail est désagréable, c’est parce que le management s’y prend mal.

 

Je vous invite donc à réfléchir sur les convictions et postures managériales suivantes, sur lesquelles je reviendrai en 2021 plus en détail :

1- LES INDIVIDUS DOIVENT PASSER AVANT LES INSTITUTIONS

Cela implique des organisations conçues autour des principes simples mais importants :

  • Décentraliser partout où c’est possible,
  • Faire passer la communauté avant la hiérarchie,
  • Veiller à ce que les décisions soient prises dans la transparence,
  • Faire en sorte que les leaders rendent davantage de comptes à leurs subordonnés,
  • Aligner les rémunérations sur les contributions de chacun, au lieu qu’elles reflètent le pouvoir ou le niveau hiérarchique,
  • Substituer l’évaluation des pairs à celle des supérieurs hiérarchiques,
  • Élargir régulièrement le champ de l’autodétermination.

 

2- CRÉER DES COMMUNAUTÉS DE PASSION

Changer le bas vers le haut.

Pour transformer les moutons en bergers, il faut enlever sa casquette de chef et dire aux gens : « JE N’AI PAS DE PLAN, QUEL EST LE VÔTRE ? »

Cela suppose une grande humilité, mais c’est la seule manière de libérer les talents latents.

Si vous voulez de l’inattendu, il faudra donner à vos collaborateurs la liberté d’en faire « Qu’est-ce que je peux faire pour que l’ambiance ici, soit moins celle d’une hiérarchie et plus celle d’une communauté ? »

 

3- INVERSER LE SENS DU CONTRÔLE

Les salariés ne peuvent donner libre cours à leur talent personnel que si l’on commence par élargir le champ de leur autonomie.

Les politiques et les règles c’est important et aucune entreprise ne peut survivre sans, mais la plupart d’entre elles souffrent d’un excès de contrôles. Pourquoi ?

Parce que le contrôle fonctionne comme un système de crémaillère.

Les managers sont incités à créer des règles, cela veut dire plus de choses à contrôler : ils croient ainsi et à tort renforcer à la fois la sécurité de leur emploi et leur pouvoir. Aujourd’hui cette croyance est devenue suicidaire.

Les systèmes sociaux les plus adaptables, sont ceux qui accordent le plus de liberté à leurs membres

Si vous empêchez le siège de mettre son nez partout et si vous donnez aux gens les données exactes de leur propre performance, ils repèrent très vite ce qui s’est avéré, ou non, être une bonne décision !

Les collaborateurs ont ainsi les incitations, les informations et la liberté qui sont ordinairement l’apanage d’un patron de PME.

Résultat : Ils ne se considèrent pas comme de simples salariés, mais comme des leaders, personnellement intéressés aux performances de leur entreprise qu’ils gèrent comme si elle leur appartenait.

 

4- RÉINVENTER LE MANAGEMENT POUR LA GÉNÉRATION DES RÉSEAUX SOCIAUX

Depuis quelques années nous vivons trois ruptures de continuité qui mettent fin au management tel que nous l’avons connu.

  • Un ensemble de changements spectaculaires ont rendu beaucoup plus rude le contexte dans lequel travaillent les entreprises.

Partout dans le monde, elles se battent désormais pour faire face à une folle accélération du changement, aux assauts de nouveaux concurrents dont les coûts sont infimes comparés aux leurs, à la banalisation du savoir, à l’accroissement rapide du pouvoir des clients et à la liste toujours plus longue des exigences de la société.

Les modèles de management traditionnels qui font passer l’optimisation avant l’innovation et la continuité avant le changement ne permettent pas de relever ces défis sans précédent.

  • L’invention de nouveaux outils de collaboration

Les Hommes disposent d’une nouvelle manière de s’organiser par le truchement de réseaux en ligne distribués.

Il existe, enfin, une alternative : la hiérarchie formelle n’est plus la seule solution

  • De ces forces résultent de multitudes nouvelles attentes que la génération F exprime.

Cette génération F ne voit pas l’internet comme un simple outil bien pratique pour réserver une chambre d’hôtel, acheter un livre, retrouver votre première petite amie.

Ils sont perpétuellement dedans, pour cette génération F, le WEB est aussi omniprésent et transparent que l’eau pour les poissons.

Le fait d’avoir grandi en ligne marque profondément les attentes de cette génération dans le monde du travail.

Au minimum, ses membres trouvent évident que l’environnement de leur vie professionnelle reflète le contexte social du Web et non celui d’une bureaucratie des années 60/70.

Toutes ces caractéristiques de la vie sur le web sont inscrites dans les gènes sociaux de la génération F mais pas assez dans les gènes des managers de 2020.

Pour repérer et attirer les membres les plus énergiques et les plus créatifs de la génération F, il est crucial de comprendre ces attentes et réinventer des pratiques de management en conséquence d’autant plus (période COVID exceptée qui ne durera pas) que le marché du travail est devenu manifestement plus favorable aux collaborateurs qu’aux recruteurs. Ce retournement malgré la persistance d’un fort chômage est un fait majeur, ce sont les collaborateurs qui choisissent leurs entreprises et plus l’inverse.

Sans noyau vital de collaborateurs de la génération F, les entreprises seront vouées à patauger.

La mise en œuvre de ces postures et parti pris managériaux est le défi que les entrepreneurs doivent se fixer en tant qu’innovateur du management du XXIème siècle car c’est la seule manière de créer pour leurs entreprises la passion humaine au lieu de l’étouffer.

 

Et la passion, aujourd’hui, cela compte vraiment. PLUS QUE JAMAIS

 

 

 

 

* Gary Hamel : « Ce qui compte vraiment »